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Rencontre avec Charlie Boudreau, directrice générale du festival Image+Nation

Écrit par sur 18 novembre 2022

Le premier et le plus ancien festival de films LGBTQueer au Canada Image+Nation dévoile une programmation exceptionnelle en format hybride pour sa 35 ᵉ édition. Rencontre avec Charlie Boudreau, directrice général de Image+Nation.

En 35 éditions, comment Image+Nation a su évoluer et comment toi personnellement, as-tu vu le festival évoluer ?

Tous les festivals queers sont nés de la même raison et Montréal n’est pas une exception. Les images qui existaient historiquement des personnes queers, on peut être dire historiquement, au cinéma, n’était pas particulièrement positive. Donc, à un moment donné, en conjonction avec le mouvement de libération des femmes, des personnes noires, il y a eu le mouvement de libération gai et lesbienne, et avec ça, on voulait raconter nos propres histoires. Donc les premières années, c’était des petites rencontres. Tout le monde était complètement énervé de se voir à l’écran. Souvent des films un peu homemade, comme on dit VHS. Mais au moins pour la première fois, on se racontait. Comme on dit fast forward… 35 ans plus tard, maintenant, on présente au festival des films qui sont en nomination pour des Oscars qui ont été primés à Cannes, à Berlin, à Venise. On a des films de beaucoup de coins du monde, et de surtout des endroits qui sont vus — avec juste raison — comme n’étant pas très avancés au niveau des droits humains. Et il y a des films à thématiques queers qui en sortent et qui ne sont pas du tout ce qu’on peut imaginer. Ça défait un peu les idées préconçues qu’on a dans des pays, surtout de l’Est. Donc c’est un plaisir. Ça a été un merveilleux trajet parce que je suis là depuis presque le début. J’étais bénévole au début à la programmation pour prendre la direction quelques années plus tard et j’ai vu l’évolution, on a bougé avec l’évolution, on a fait avancer le festival en expansion pour arriver jusqu’à la pandémie… et se revirer de bord comme tout le monde. On l’a fait, on a fait une plateforme, mais ce n’était pas original dans le temps. Ce qui est rendu original, c’est qu’on est les seuls à la garder, parce que c’est important. On a toujours voulu l’accessibilité plus grande, à ces films-là, à ces histoires et pendant très longtemps, ce n’était pas possible. Maintenant, ça l’est. Mais il faut absolument garder une plateforme pour les gens qui ne peuvent pas, pour quelque raison que ce soit, venir en salle ou qui n’habitent pas Montréal, puissent voir ces histoires et les partager avec leurs amis, avec leurs familles, avec leurs collègues. Donc c’est tout ce qui s’est passé en 35 ans.

On voit de plus en plus de personnes qui se tournent sur les plateformes en ligne, en délaissant le cinéma et les salles. Possiblement parce que sur les plateformes en ligne présentent de plus en plus une belle représentation des communautés LGBTQ+. Pourquoi un festival de films LGBTQueer est encore important pour nous aujourd’hui ?

Mais, même si heureusement les personnages queers sont de plus en plus présents dans ce que j’appellerais un narratif général, les personnes queers font le même type de film, à l’inverse aussi, font un narratif un peu général pour inclure des personnages queers qui ont juste une vie et qui ont fait par exemple… Un cambriolage… Ou qui ont perdu leur job… Ou encore que ce n’est pas une histoire de coming-out. Au final pour dire que ce n’est pas une misère d’être queer. Ils sont queers dans une autre histoire. Donc l’inverse se fait des deux bords, c’est ce qui est positif. Ça va vers l’universalité et ça, c’est ça l’important.

Mais il reste qu’il y a beaucoup de films plus pointus, plus recherchés, qui ne vont jamais être sur Netflix et qui ne vont jamais à la télévision. Et c’est la raison d’un festival. Nous, c’est un festival queer… il y a le Festival des films sur l’art, Festival Black ou encore Massimadi. Notre spécialité, c’est notre focus. Donc on va chercher du détail, on va chercher des pays, on va chercher une grande représentation de la diversité. Donc pour moi, les festivals spécialisés sont, comme on dit, des rocks. C’est comme ça qu’on va vraiment pouvoir connaître des personnes sur lesquelles on va mettre le focus. Et si on fait partie de ce groupe-là, c’est vraiment de la représentation de tout ce qu’on est, parce qu’on n’est pas seulement un groupe et une communauté. On est beaucoup de différentes personnes et d’identités à l’intérieur de tout ça.

Mais il reste qu’il y a beaucoup de films plus pointus, plus recherchés, qui ne vont jamais être sur Netflix et qui ne vont jamais à la télévision. Et c’est la raison d’un festival.

Une autre raison d’avoir nos festivals : qu’il est fait par nous, parce qu’on fait partie de ces communautés-là… Je remarque que c’est un peu à la mode depuis cinq-six ans (surtout au Québec) d’encourager la diversité, dans les festivals généralistes. Et c’est un problème, parce qu’il y a eu beaucoup de festivals qui ont beaucoup des difficultés pour avoir de l’appui [financier]. Donc on appuie cette diversité dans les festivals généralistes, et on pense que toutes les voix sont représentées… Mais je reviens au point que je viens de faire. Il n’y a rien [de mieux] comme une voix spécialisée. Même si on est partout, qu’on est de plus en plus à la télévision, qu’on est de plus en plus dans le cinéma, qu’on est de plus en plus dans les festivals… cela sera toujours important d’avoir un festival spécialisé, à mon humble avis.

Le film d’ouverture Rosie, qui est projeté à 19 h, le 18 novembre à l’Impérial, nous amène en marge du Montréal des années 80 avec une histoire autochtone. C’est le premier long métrage de la scénariste, réalisatrice et actrice Gail Maurice. Peux-tu nous en parler un peu ?

Les gens ont peut-être déjà assisté à Rosie, mais le film court, qu’on a présenté dans le cadre de Queerment Québec au Centre PHI. Et donc, c’est le long métrage du film court, qui raconte l’histoire d’une famille qui doit s’inventer, face aux difficultés que peuvent poser la vie et la société. Je ne veux pas trop en dire parce que j’aime ça que les gens découvrent… parce que c’est un excellent film. Mais ce qui est surtout bien cette soirée-là, c’est c’est la première Québécoise et Gail Maurice, Mélanie Bray qui est la productrice et la comédienne principale, l’actrice principale, ainsi tous les comédiens, tout le monde va être là. Et moi, ce qui me fait presque évanouir… Alanis Obomsawin va être présente pour introduire le film avec Gail et Mélanie, et avoir une conversation sur le film. Donc pour nous, c’est une très grosse soirée. C’est vraiment un honneur incroyable d’avoir cette femme si importante à notre culture qui va être présente chez nous. Et ça va être le fun. On va s’amuser aussi. On prend toute la soirée à l’Impérial, il y aura des drinks, on va s’amuser ! (rires)

Vous avez de nombreux films canadiens, mais on voyage beaucoup avec Image+Nation. Je vois que vous vous inscrivez également dans l’actualité avec une rétrospective du cinéma ukrainien LGBTQ présenté par le Molodist Kyiv International Film Festival. Peux — tu nous dire quelques mots ?

Ce qui est intéressant, c’est qu’on a discuté avec Bohdan Zhuk, qui est programmateur qui a créé ce programme pour nous, c’est en fait à notre connaissance, la première rétrospective de cinéma queer ukrainienne au monde. Ça n’a jamais été fait. Donc ça nous dresse un portrait d’une culture vraiment très compliquée, qui a été sous les pieds de la Russie pendant très longtemps. On voit un cinéma intéressant, complexe, subtil, évolué à travers tout ça. Donc on a un film de 1964, Shadows of Forgotten Ancestors, un des années 80, un autre dans les années 90 Ivin A. et un film de l’année passée Stop Zemilia. Cela nous dresse un portrait de la présence queer dans la culture ukrainienne depuis environ 60 années. Bohdan Zhuk va être sur place pour discuter, présenter le contexte, la culture, parler du film et laisser du temps pour une discussion avec le public. Moi j’adore le cinéma ukrainien, je n’arrive jamais à en avoir à Montréal. Dans notre autre qui jadis était multiculturelle (rires), impossible à trouver. Donc c’est l’occasion de découvrir le cinéma d’un pays qui est rarement à l’écran, ou pas du tout à l’écran à Montréal. On a déjà eu des collaborations avec ce festival-là, avec l’Ukraine. On a présenté des films québécois là-bas, mais on présentera ici un gros focus, une grande rétrospective pour montrer notre appui à nos amis et collègues qui sont sous les agressions de la Russie présentement dans leur pays. Et nos pensées sont là et on fait ce qu’on peut à Image+Nation pour les aider autant que possible à faire entendre leur voix et aussi envoyer notre soutien. Par exemple, on veut faire un panel international avec le Kyiv international Short Film Festival qui est en même temps que nous. Comme ils n’ont pas d’électricité là-bas, j’ai dit OK, on va le faire ici. Donc j’ai parlé au Centre PHI pour le faire là-bas. Donc ce qu’on fait, c’est un live streaming à partir d’ici, donc même s’ils sont là-bas, l’infrastructure est ici. On essaie de penser à ce genre de façon de collaborer et d’aider nos collègues qui ont un peu de difficulté à faire un festival, mais qui, même en temps de guerre, sont en train de faire un festival… avec pas d’électricité. On leur dit : bravo ! On en est là pour aider, quand on peut.

Et évidemment l’Iran, quand on a commencé à programmer le festival intensément… Dans les dernières étapes, il y a eu des nouvelles de l’Iran et on s’est dit il faut absolument qu’on fasse quelque chose pour justement montrer un appui et aussi faire connaître ce cinéma-là qu’on ne voit jamais ici. Et on a toujours des soumissions de l’Iran, mais elles sont parsemées un peu partout dans la programmation. On en a fait un programme de cours, qui va être disponible en ligne, donc découvrable par tout le monde.

Quelle est ta petite pépite en coup de cœur pour le festival 2022 ?

Oh non, c’est la pire question du monde ! (rires). Je les aime tous, c’est tous mes petits chats ! (rires), mais ça dépend tellement, tellement des goûts. Faut pas oublier qu’un film un peu généraliste, extrêmement bien fait, ça vaut la peine d’en parler. On n’a pas pu malheureusement avoir la version sous-titrée française, en anglais The Blue Caftan qui est un film marocain. C’est aussi la soumission du Maroc aux Oscars cette année. C’est un film vraiment magistral, qui est beau, qui est touchant.

Je ne peux jamais donner des scoops, mais c’est vraiment un film qui révise un peu la famille, la notion d’amour et comment on partage. C’est toujours mieux d’aller visiter le site web et voir ce qui vous tente. Parce qu’on a le meilleur de tous les genres, mais ce n’est pas tous les genres qui plaisent à tout le monde. Il y a Queerment Québec qui est une sélection des courts métrages québécois qu’on a choisi, qui est au Centre PHI depuis 10 ans, mais la sélection a 22 ans. C’est une soirée avec les cinéastes, où on présente les films, et où on passe du temps à discuter avec le public. C’est super convivial, et c’est une belle façon de découvrir les productions d’ici. On prépare des focus dans le festival, « voix émergentes » par exemple. C’est les premiers films de pays, dont on entend souvent peut parler et qui ont souvent des droits humains un peu complexes. Il y a le « focus autochtone », il y a le « focus Media Canada » pour les films canadiens, il y en a d’autres… Il y a quelque chose qu’il ne faut pas oublier aussi, c’est qu’on présente des documentaires vraiment, vraiment importants et pertinents chez nous, parce qu’il ne faut pas oublier notre histoire. Et cette année, on n’a pas raté notre coup. Je vous laisse découvrir la section « les avant-gardistes » pour aller voir qui on va présenter cette année et quelle histoire on pourra découvrir à Image+Nation.


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